Le musée se trouve dans une ancienne école nommée Tuol Svay, qui signifie "colline des manguiers sauvages"... nom qui résonne agréablement aux oreilles quand on sait que Tuol Sleng signifie lui "colline empoisonnée".
Cette école devint d'avril 1975 à janvier 1979 la prison la plus terrifiante du Cambodge, dirigée par les khmers rouges. Ce lieu, baptisé S 21 par les hommes de Pol Pot, n'est pas sans rappeler certains camps de concentration nazis. Sa visite cauchemardesque est indispensable si l'on veut connaître le douloureux passé des cambodgiens et c'est, comme pour les camps nazis, un devoir de mémoire envers les quelques 15 000 personnes qui y furent enfermées, torturées et qui y perdirent la vie.
Les khmers rouges y enfermèrent tous les supposés opposants au régime pour n'importe quel motif, valable ou non, sans distinction d'âge : femmes, enfants, parfois des familles entières (bébés compris), ouvriers, cadres, enseignants, ingénieurs, intellectuels, fonctionnaires, ministres et diplomates cambodgiens. Le simple fait de porter des lunettes (enfants compris) était suffisant pour être considéré comme intellectuel et donc "à exterminer".
Dans le site des panneaux recommandent le silence qui, de toutes façons, s'impose de lui-même.
ce panneau à l'entrée qui résume les consignes que devait
respecter tout détenu donne le ton
Lors de la libération de Tuol Sleng seuls 7 prisonniers furent retrouvés vivants dans la prison.
ces tombes sont celles des dernières victimes
à gauche de l'enceinte ce bâtiment
qui servait de lieu d'interrogatoires (entendez tortures)
Dans chaque pièce se trouve un lit métallique branché sur le courant électrique, sur lequel étaient attachés les prisonniers, avec les barres et les chaînes encore présentes. La boîte de munitions que l'on peut voir servait de pot de chambre.
Tout le long de la coursive extérieure, à chaque étage, du fil de fer barbelé pour empêcher non pas les évasions mais les suicides.
Dans l'ancienne cour de récréation en bas 3 potences. Les khmers ne se contentaient pas d'y pendre simplement les prisonniers, oh non ! d'abord ils les torturaient puis, pour les réanimer, ils les plongeaient par les pieds, la tête dans les jarres en-dessous. Celles-ci étaient parfois remplies de produits corrosifs pour prolonger le supplice.
le grand bâtiment contigü a été transformé en mémorial
Au rez-de-chaussée de grands panneaux reprennent à l'infini des photos des prisonniers. Les 3 photos qui suivent ne sont pas les notres, elles proviennent d'un site internet. Il m'était impossible de photographier ces visages, parfois très très jeunes. Il m'a cependant semblé nécessaire à la rédaction de cette page de partager cette histoire du Cambodge qui, comme plusieurs pays avec les juifs, a également subi un épouvantable génocide.
Chaque prisonnier était systématiquement photographié à son arrivée, ainsi qu'à sa mort...
Les khmers rouges avaient la manie de l'archivage et fichaient tous les détenus. Ces 20 000 dossiers impeccablement tenus prouvent le côté maniaque des tortionnaires chargés de rendre compte à l'échelon national de l'élimination des "ennemis de la révolution".
dans l'autre bâtiment les anciennes classes d'école,
transformées en minuscules cellules individuelles
les cellules du rez-de-chaussée ont été construites en briques, à la hâte
noter le tableau d'école encore présent
à l'étage les cellules sont en bois
Les cellules étaient de taille variable, les plus petites d'environ 1,50 m, contenant 3 personnes, parfois plus. Les prisonniers étaient constamment surveillés et fouillés pour éviter les suicides. Un prisonnier pouvait se donner la mort en se crevant la gorge avec un stylo ou en avalant des boulons ou des vis.
Les conditions de vie survie étaient insupportables et de nombreux détenus y sont morts de faim et de soif. Le réveil était à 4 h 30 du matin. On donnait une bouillie de riz le matin et le soir et dans la journée on ne leur donnait pas d'eau. Les prisonniers faisaient leurs besoins dans une boîte militaire en métal.
Au second étage de ce bâtiment une exposition de photos de victimes, légendées de témoignages biographiques établis par les proches des survivants.
Dans le dernier bâtiment les cellules ont été enlevées (on peut encore en voir les traces à terre) et les locaux transformés en salles d'exposition.
C'est au rez-de-chaussée que l'on peut voir les peintures réalisées par Vann Nath (1946-2011), l'un des 7 survivants du camp, et qui illustrent les diverses méthodes de torture : fouet, étouffement, arrachage de dents et des seins, utilisation de scorpions.
l'une de ces toiles est d'ailleurs son autoportrait
Vann Nath fut arrêté en janvier 1978 à Battambang puis enfermé à la prison Tuol Sleng. Il doit sa survie à ses talents de peintre : en effet son geolier Douch lui fit peindre et sculpter des portraits de Pol Pot pour sa propagande. Vann Nath nous a quittés en 2011 à l'âge de 65 ans. Il habitait Phnom Penh, vivait avec sa famille qui y tenait un restaurant et continuait à peindre et à raconter son expérience. Voici la page Wikipedia le concernant ICI.
Les tortures étaient monnaie courante au camp. La plupart des détenus avouait des fautes qu'ils n'avaient pas commises. Ce qu'ils disaient était transcrit sur papier. Lorsque l'aveu ne plaisait pas le tortionnaire en faisait une boule qu'il jetait dans un coin de la salle et le prisonnier était à nouveau torturé pour en tirer un nouvel aveu. Les tortionnaires donnaient des idées d'aveux aux détenus, comme par exemple un lien avec le CIA, le KGB ou encore avec un quelconque système démocratique, capitaliste ou impérialiste.
Après 1 h 30 de visite c'est en silence et un peu bouleversés que nous rejoignons notre driver qui nous attendait.
Cette visite peut être complétée par celles des charniers Cheoung Ek encore nommés Camps Filling Fields. Les prisonniers du S 21, après y avoir été longuement torturés, étaient transférés dans ce camp Killing Fields. Là ils y étaient assassinés puis enterrés dans des fosses communes. Les bourreaux avaient ordre de ne pas utiliser de balles et massacraient les victimes à coups de pioches, marteaux ou machettes.
Sur les 129 fosses communes du camp environ 80 ont été fouillées. Les restes de 9 000 personnes y furent exhumés en 1980.
Nous avons décidé de ne pas visiter le camp... d'une part il se situe à 17 km de la capitale et puis nous n'avions pas trop envie d'en rajouter à ce que nous venions de voir. Notre imagination nous suffisait.
Nous rentrons donc tranquillement à la guesthouse puis partons faire un tour sur le marché à quelques rues de là.